La dernière réforme de la procédure civile issue de deux décrets du 6 mai 2017 n°2017-892 et 2017-891 apporte des évolutions majeures à la procédure civile.
Le décret du 6 mai 2017 (2017-892) a modifié, essentiellement, trois dispositions du Code de Procédure Civile :
La péremption d’instance :
Celle-ci peut être soulevée par les parties, mais elle peut désormais être « constatée d’office » par le Juge, après qu’il ait invité les parties à présenter leurs observations.
Il convient donc d’être, davantage aujourd’hui encore, attentif à l’écoulement du temps et de veiller à interrompre le délai de péremption (deux ans) qui s’écoule entre deux diligences procédurales.
Cette attention doit perdurer, jusqu’à l’ordonnance de fixation.
C’est ce que vient de rappeler la 2ème Chambre Civile de la Cour de Cassation dans un arrêt du 16 décembre 2016 : le délai de péremption continue de courir tant que l’affaire n’a pas été fixée en plaidoirie.
Les parties sont donc tenues de « faire avancer l’instance » tant que l’affaire n’a pas été fixée. Une fois fixée, la péremption d’instance cesse de courir. Ce n’est qu’à partir de ce moment-là que les parties ne sont plus tenues à aucune diligence procédurale.
L’attention doit porter sur la période entre les dernières conclusions déposées et l’ordonnance de fixation. Ce temps est en effet – du fait de la surcharge des Tribunaux et Cours – de plus en plus long, pouvant dépasser une année parfois dans certaines juridictions.
Réforme de la procédure orale
Le décret a modifié l’article 446-2 du Code de Procédure Civile.
Cet article est inséré dans le paragraphe 2 « Dispositions propres à la procédure orale ».
Il concerne donc toutes les procédures orales devant les juridictions d’exception, comme devant la Cour d’Appel lorsque la procédure est sans représentation obligatoire.
Cette règle a donc vocation à s’appliquer devant le Tribunal d’instance, Tribunal de Commerce, le Juge aux Affaires Familiales (hors divorce), le TASS, le TPBR, le Conseil des Prud’hommes.. etc.
Son alinéa 1er autorise le Juge à fixer un calendrier de procédure sans l’accord des parties (celles-ci en sont seulement avisées)
Son 2ème alinéa impose aux conclusions des parties de remplir certaines conditions.
Elles doivent :
- Formuler expressément les prétentions des parties,
- Chaque prétention doit être accompagnée des moyens en fait et en droit sur lesquels elle est fondée avec l’indication, pour chaque prétention, des pièces invoquées et leur numérotation,
- Comporter un bordereau énumérant les pièces,
- Avoir une structure tripartite : exposé des faits et de la procédure, discussion (prétentions et moyens) et dispositif récapitulant les prétentions.
Cette division tripartite des conclusions a pour conséquence que le Juge n’examine que les prétentions qui figurent dans le dispositif et que les moyens qui figurent dans les discussions.
Les conclusions sont, de plus, récapitulatives de telle sorte que les prétentions et moyens présentés dans les écritures précédentes sont réputés abandonnés.
A cela s’ajoute que les conclusions récapitulatives doivent désormais indiquer les moyens nouveaux « de manière formellement distincte » (obligation de montrer les arguments qui sont nouveaux par rapport aux écritures précédentes).
Ces règles relatives aux procédures orales ne sont toutefois applicables qu’à deux conditions cumulatives :
QUE toutes les parties soient assistées ou représentées par un Avocat,
QUE toutes les parties comparantes « formulent leurs prétentions et moyens par écrit ».
Procédure devant le Tribunal de Grande Instance :
Désormais, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les actes de procédure sont obligatoirement électroniques. C’est la fin des conclusions « papier » qui coexistaient, jusqu’à présent, avec la communication électronique.
La structuration des conclusions, telle que précédemment exposée pour les procédures orales, sont applicables (sans condition) aux procédures devant le Tribunal de Grande Instance.
Par rapport à la période antérieure, il y a donc trois nouveautés :
Structuration tripartite des conclusions : faits et prétentions, discussion et dispositif,
Reprise dans le dispositif de toutes les prétentions sous peine d’être abandonnées,
Numérotation des pièces au soutien de chaque moyen et prétention.
Entrée en vigueur : les dispositions sur les procédures orales et les conclusions devant le Tribunal de Grande Instance sont applicables aux instances « introduites à compter de l’entrée en vigueur du décret », c’est-à-dire aux instances introduites depuis le 11 mai 2017.
Elles sont donc applicables aux instances en cours (article 70 II du décret 2017-892).
Le décret du 6 mai 2017 (2017-891) a réformé le régime des exceptions d’incompétence et la voie du contredit.
Sur les exceptions d’incompétence :
L’exception d’incompétence doit toujours être motivée et désigner la juridiction que le plaideur estime compétente (article 75 du CPC).
Les cas dans lesquels le Juge peut relever d’office l’incompétence ont été re-codifiés (des articles 92 et 93, ils passent aux articles 76 et 77) mais sont inchangés.
Le Juge conserve le pouvoir de mettre, les parties, en demeure de conclure sur le fond du litige lorsqu’une exception d’incompétence lui est soulevée (article 76 devenu 78).
Suppression du contredit :
La voie du contredit est aujourd’hui supprimée au bénéfice d’une procédure d’appel accélérée.
Ainsi, lorsque le Jugement ne porte que sur la compétence, « sans statuer sur le fond du litige », la voie de recours est un appel spécial.
Elle est soumise aux règles spécifiques suivantes :
- Délai : 15 jours à compter de la notification du Jugement (et non plus de son prononcé),
Pour éviter que la notification ne traine, celle-ci se fait désormais à l’initiative du greffe qui doit y procéder en direction des parties par lettre recommandée avec demande d’avis de réception et en direction de l’Avocat lorsque la représentation est obligatoire (article 84 alinéa 1er),
- La procédure devant la Cour d’Appel est celle de la procédure à jour fixe prévue par les articles 917 et suivants du CPC ou la procédure à fixation prioritaire lorsque la constitution d’Avocat n’est pas obligatoire (prévue à l’article 948 du CPC).
La procédure à jour fixe impose donc désormais de saisir le 1er Président de la Cour d’Appel aux fins d’être autorisé à assigner à jour fixe ou en fixation prioritaire.
La saisine du Président se fait par requête dans le délai d’appel à peine de caducité de la déclaration d’appel (article 84 alinéa 2).
Cela signifie que dans le délai de 15 jours, il faut à la fois déposer une déclaration d’appel et saisir le Premier Président de la Cour d’Appel.
- Formalisme de la déclaration d’appel: elle doit être motivée (soit elle-même soit au moyen de conclusions jointes) et doit préciser que l’appel est dirigé contre un Jugement statuant sur la compétence.
- Autrefois dans le contredit la procédure était toujours orale. Désormais dans le cadre de la procédure à jour fixe, la représentation par Avocat est obligatoire.